Mason
L’un des hommes les plus puissants d’Angleterre, Mason Campbell, était un homme froid, dur et sans scrupules. Entendre son nom suffisait à faire trembler n’importe qui. Il était connu pour être cruel, sans pitié, ingrat. Lauren Hart venait tout juste d’être embauchée pour être son assistante et se retrouver ainsi sous le feu de ses crises de colère, de sa haine et de son arrogance. Sa vie aurait été meilleure si elle ne travaillait pas alors pour Mason Campbell, l’homme qui était envié par les hommes et désiré par les femmes. Mais Mason n’avait d’yeux que pour elle, encore plus depuis qu’il lui avait proposé un marché qu’elle ne pouvait refuser.
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L'incroyable
Mason
Campbell
Il était l'homme le plus puissant d'Angleterre.
Personne n'aimait l'admettre, mais il était encore plus puissant que la reine.
À un très jeune âge, il avait déjà créé plusieurs entreprises dans le monde entier et il l'était l'homme le plus riche du pays.
Le secret de son succès résidait dans son caractère impitoyable.
Mason Campbell n'avait pas peur de la mort.
J'ai entendu dire qu'il pouvait faire disparaître n'importe qui, d'un simple geste de la main.
Pire encore, il a été désigné l'homme le plus sexy du Royaume-Uni cinq années de suite.
Rien n'est plus dangereux qu'un homme qui a de l'argent et est très séduisant.
Mason Campbell possédait ces deux qualités en abondance.
Il semble être le genre de personne de qui j'ai tendance à me tenir très, très éloigné.
Mais, si je jouait bien mes cartes, le Diable en personne serait bientôt mon patron.
***
"Calme-toi…", me dit ma colocataire, Beth, agacée de m'avoir vue tourner en rond dans notre salon.
J'avais arpenté la pièce pendant plus de dix minutes, rongée par la nervosité et l'anxiété.
"Tu vas tout péter, à ton entretien." ajouta-t-elle avec un sourire qui se voulait encourageant.
Je lui accordai un regard en coin. "C'est pas un entretien comme les autres !"
Je passai la main dans mes cheveux, de frustration.
"Quoi, c'est Dieu que tu vas rencontrer ?"
Sa question me fit tourner la tête, et je la dévisageai comme si elle était folle.
Enfin, elle était clairement folle, puisqu'elle disait des choses pareilles.
Elle n'aurait jamais pu savoir ce que je ressentais au sujet de cet entretien.
Toute ma vie en dépendait.
"Non, mais je vais rencontrer quelqu'un d'incroyablement puissant." lui rappelai-je.
Mason Campbell était un des hommes les plus puissants du monde. Et il était le plus puissant d'Angleterre.
Personne n'aimait l'admettre, mais il était même plus influent que la Reine.
À un très jeune âge, il avait su acquérir plus d'argent que quiconque.
Il avait construit des conglomérats d'entreprises à travers le monde, qui embauchaient des milliers de personnes.
Il était craint dans le pays tout entier pour son tempérament froid et terrifiant.
Mason Campbell était un homme qui ne craignait même pas la mort.
Il vivait selon ses propres règles.
J'avais entendu dire que des hommes se décomposaient sous son regard intense, et pas des hommes ordinaires, des hommes pourtant habitués au pouvoir et eux-mêmes influents.
J'avais entendu dire qu'il pouvait faire disparaître qui il souhaitait, et qu'on ne les voyait plus jamais.
Cette seule pensée suffit à me faire trembler.
"Pourquoi tu ne vas pas travailler ailleurs ?" demanda Beth.
"Il paraît qu'en coulisse, c'est assez horrible comme environnement de travail."
"Il paraît aussi que son regard est assez froid pour fendre la pierre, et qu'il crie assez fort pour faire trembler les murs."
"Je demande à voir." répondis-je d'un ton faussement léger pour mieux ignorer la situation dans laquelle je m'étais mise.
"Ça te foutrait en l'air de voir ça." Elle avait l'air plutôt sûre d'elle sur ce coup.
Je haussai les épaules et relevai le menton.
"Ce serait… intriguant."
"Ouais." approuva-t-elle d'un hochement de tête avant de sourire d'un air amusé.
"Mais tu dirais pas la même chose s'il pose ses yeux sur toi et que tu te retrouves victime d'une combustion instantanée."
J'avais envie de rire, mais j'étais trop nerveuse à l'idée de ce qu'il se passerait le lendemain.
Je ne savais pas où Beth avait entendu ces rumeurs. Même si je devais bien admettre qu'il avait un regard terrifiant, je doutais qu'il puisse littéralement incendier des gens avec.
Il y avait quand même une bonne part d'exagération dans cette histoire.
"Pff…" soufflai-je pour écarter cette idée.
"C'est juste une rumeur, Beth."
Elle soutint mon regard. "Toutes les rumeurs sont pas fausses, tu sais ?"
Je m'efforçai de ne pas frissonner sous ses yeux.
"J'ai entendu dire qu'il traitait tout le monde comme son ennemi… même ses propres employés."
L'idée me mettait sur les nerfs.
Traiter ses employés comme ses ennemis ? Comment est-ce que ça pouvait fonctionner ?
Je n'arrivais pas à déterminer si elle était sincère ou non.
Je plissai les yeux à son encontre.
"Il est taré, j'ai compris."
"Raison de plus pour envisager de travailler ailleurs !" s'exclama-t-elle en saisissant mes mains, avant de me libérer de son étreinte et de croiser les bras sur sa poitrine.
"T'es sûre que je vais avoir le job, de toute façon ?"
Je n'étais pas la seule à vouloir travailler à Campbell Industry, et beaucoup de monde allait passer un entretien.
Une seule personne aurait ce job, et je n'étais pas sûre d'être l'heureuse élue.
Certaines filles n'étaient intéressées que par lui. Et pas par le travail.
"Environ zéro pourcent." s'esclaffa Beth, ce qui lui valut un autre regard noir.
"Je ne vois pas l'intérêt de travailler là-bas en fait. Cet endroit est juste… terrifiant. Y a rien d'autre que du contrôle et de la violence."
"Mason Campbell rend l'entreprise froide… comme interdite."
"Aucun endroit n'est interdit ou inhospitalier." répondis-je en attirant l'oreiller contre moi.
"Mais il paraît que là-bas on entend les échos de sa rage dans les couloirs."
"Tu sais…" Beth leva les yeux vers moi, ses beaux yeux vert émeraude et perçants.
"J'adorerais être là demain, juste pour te voir trembler de peur en sa présence." Elle éclata de rire.
"Ferme-la !" répondis-je avec un sourire en lui jetant mon oreiller.
"Je vais pas trembler. J'ai pas peur."
Elle leva un sourcil plein de défi. "Ah bon ? T'as jamais été en sa présence. Tu ne sais pas comment tu vas réagir."
J'allais être nerveuse et très inconfortable, pensai-je en mordillant ma lèvre.
"Si je fonds en larmes en rentrant, faudra pas être surprise."
"Je ferai en sorte de préparer les mouchoirs."
"C'est ça, dans tes rêves !" Je lui décochai un regard moqueur.
Son sourire disparut et elle posa sur moi des yeux soudain plus sérieux.
"Tout va bien se passer, Lauren. T'as un super CV. Assez pour être choisie parmi des centaines de personnes."
Je lui adressai un sourire pâle. "J'espère…"
Et je l'espérais vraiment, car c'était le seul job qui rapportait assez d'argent pour payer les soins de mon père et son traitement.
Je pourrais faire bien plus avec tout cet argent.
Mais c'était les frais médicaux de mon père qui me tenaient éveillée la nuit.
Il avait un cancer en phase terminale. La nouvelle m'avait dévastée lorsqu'il me l'avait annoncé.
C'était la seule famille que j'avais depuis que ma mère nous avait quittés, quand j'avais dix ans.
Ça me faisait encore mal d'y penser.
Papa avait dû traverser tellement d'épreuves pour m'élever et c'était à mon tour de prendre soin de lui.
Le lendemain matin survint plus vite que je ne le pensais. J'avais mis le réveil à six heures pour être prête à temps.
L'entretien était à sept heures et demi, mais je voulais y être dès sept heures.
Je grognai de fatigue en m'extirpant de mon lit pour ramper jusqu'à la salle de bain.
Je passai un peu d'eau sur mon visage, sans en sentir les bienfaits, et me brossai les dents sans être davantage sortie de ma torpeur, avant de sauter dans la douche.
Il ne me fallut pas plus de dix minutes pour être prête.
Je me redressai et déplissai ma jupe grise un peu usée qui descendait jusqu'aux genoux.
Mon chemisier bleu clair était rentré dans ma jupe. Mes joues étaient roses, juste assez pour mettre en valeur mes yeux noisette.
Ils étaient légèrement inclinés vers le haut et bordés de cils longs et épais.
Je coinçai mes cheveux dans une queue de cheval, assez fermement pour qu'aucun ne dépasse.
J'espérai avoir l'air assez distinguée pour l'entretien d'embauche.
Je n'aimais pas porter de maquillage, et décidai donc de rester naturelle.
Je m'étais contentée d'appliquer une fine couche de rouge à lèvre effet nude, et rien d'autre. Je portais les talons noirs que je m'étais offerte deux ans auparavant.
Sachant que Beth dormirait encore, je lui laissai un petit mot avant de prendre mon sac et de quitter notre appartement.
Londres était glaciale ce matin-là, et comme mon manteau était trop usé, je ne pouvais pas me permettre de le prendre avec moi.
Je voulais être apprêtée au mieux et n'être la cible d'aucun regard désobligeant.
Je pris un taxi et lorsque je lui dis où je voulais aller, il eut l'air sincèrement choqué.
Il me demanda confirmation, et je lui répétai l'adresse.
"Vous êtes sûre de vouloir aller là-bas, madame ?" demanda-t-il, incertain.
"Oui." répondis-je avec une impatience croissante.
Il ne dit rien d'autre par la suite, mais je vis parfois son regard croiser le mien dans le rétroviseur, comme s'il n'arrivait pas à croire que je me rende dans un endroit pareil.
Il s'arrêta près de Campbell, et alors que je m'apprêtais à lui demander pourquoi il ne me déposait pas devant, il répondit :
"Désolé madame, aucun taxi n'est toléré aux abords du bâtiment. Je vais devoir vous laisser ici."
J'en restai bouche bée, et je secouai la tête, complètement incrédule.
Je sortis du taxi et réajustai mon chemisier.
Si quelqu'un m'observait, à cet instant, il n'aurait pas pu manquer l'aura de nervosité dont j'étais nimbée.
Campbell Industry se tenait devant moi, écrasante. C'était un énorme bâtiment d'environ soixante étages.
Il était grand. Large. Intimidant.
Je passai précautionneusement devant un vigile à l'entrée et m'engouffrai à l'intérieur.
Je fus accueillie par une foule de gens pressés, cintrés dans leur costume impeccable et hors de prix, et je me sentis soudain trop consciente de ce que je portais.
Ils semblaient être sur leur garde, à cran, comme s'ils portaient le monde entier sur leurs épaules.
Je me dirigeai directement vers la réceptionniste, de plus en plus angoissée. C'était une petite rousse habillée élégamment dans une robe bleue.
Même ses cheveux semblaient ajustés à la perfection.
Elle portait aussi peu de maquillage que possible.
Ses yeux noisette se levèrent vers moi, et son expression trahit un pur dégoût.
"Le café est plus loin dans la rue, madame." dit-elle avec une trace d'accent italien.
"Quoi ?" demandai-je, confuse.
Elle me fusilla du regard comme si j'étais la dernière des imbéciles.
"Ce n'est pas là que vous vouliez vous rendre ?"
"Non. Je suis là pour un entretien d'embauche."
Elle leva un sourcil parfait, et esquissa un sourire. "Oh ?"
Elle me jaugea de la tête aux pieds, fit claquer sa langue et affronta à nouveau mon regard.
J'avais envie de lui mettre mon poing dans la gueule. Elle ne me pensait pas digne d'être ici.
Comment osait-elle !
La réceptionniste soupira bruyamment avant d'afficher son sourire le plus faux.
"Vingtième étage. Tournez à gauche et vous trouverez les autres candidats qui sont déjà là pour l'entretien."
Je ne pus réprimer un petit tic à la lèvre.
Est-ce qu'elle laissait entendre que je n'avais aucune chance de le réussir, cet entretien ?
Connasse.
"Merci." grinçai-je.
"Bonne…" Elle me détailla à nouveau de haut en bas et son sourire disparut. "… chance."
J'étais pour le moins vexée, mais j'essayai de me détendre un peu et me dirigeai vers l'ascenseur.
J'attendis quelques secondes avant qu'il s'ouvre et me ruai à l'intérieur.
Le temps que les portes ne se referment, j'eus le temps de voir une scène incongrue.
Une femme était en train d'être trainée par la sécurité. Elle était en larmes.
Elle était clairement en train de péter les plombs.
"Non !" cria-t-elle. "Vous pouvez pas me faire ça ! J'ai travaillé ici pendant trois ans !"
J'observai la manière dont elle se débattait pour se libérer de l'étreinte du vigile.
"J'ai été loyale. Vous pouvez pas me faire ça !"
L'ascenseur se referma sur ses cris et ses larmes.
Mon cœur s'était emballé.
Je me sentais désolée pour elle.
Quoi qu'elle ait fait, elle ne méritait pas d'être traitée de la sorte.
Elle avait travaillé ici pendant trois ans !
Elle méritait au moins un peu de respect.
Mon dos buta contre le mur en métal et je fermai les yeux. Est-ce que c'était une si bonne idée d'être ici ? C'était le seul job avec un tel salaire…
Je faisais ça pour papa. Je n'avais pas besoin d'y réfléchir très longtemps, au fait de travailler ici.
Travailler ici ?! Mais je n'avais même pas le job ! Et je ne savais pas encore si je serais l'heureuse élue.
Je fermai les yeux plus fort. J'espérai de tout mon cœur que cet entretien soit un succès.
Je ne pouvais pas me permettre de me louper.
La vie de mon père était en jeu.
Tu peux le faire, Lauren.
Tu vas tout déchirer. Il suffit que tu te détendes et que tu croies en toi.
Oui, je savais que j'allais réussir.
"Vous descendez pas ?" Je fus tirée de mes pensées par la voix d'un homme à mes côtés.
Je me rendis compte que j'étais parvenue au vingtième étage et je marmonnai un petit mot d'excuse à l'homme poivre et sel dans un costume gris qui était entré à côté de moi.
Le couloir, sur la gauche, se terminait par une immense baie vitrée qui dominait Londres tout entière.
Mon téléphone, dans mon sac, me démangeait. J'avais envie de prendre une photo.
Mais avant que je n'aie eu le temps de le faire, je me rappelai la raison de ma présence.
Je suivis les instructions de la réceptionniste et je constatai qu'elle ne m'avait pas menti. Il y avait du monde.
Tellement de monde que je n'arrivais pas à voir la fin de la file d'attente.
Et ils étaient tous impeccablement habillés.
Un groupe de fille glissa un regard dans ma direction et je les entendis ricaner.
Quoi ? J'ai du noir sur le nez ? J'avais presque envie de les confronter.
En levant les yeux, je remarquai qu'elles ne détournaient plus le regard et ne cherchaient pas à cacher leur dédain.
Je me tournai en soupirant d'un air furieux.
Elles avaient peut-être l'air plus sexy, et elles étaient certainement mieux habillées, mais ça ne voulait pas dire que je méritais d'être traitée de cette manière.
Je me frayai un chemin au milieu de cette masse humaine en essayant de trouver une chaise libre.
J'en trouvai une au bout de la pièce et me dirigeai vers elle. Mais avant que je n'aie pu m'asseoir, un homme m'avait piqué la plage.
Il haussa les épaules et me dévisagea.
Je retournai là où j'étais initialement. Mais il y avait tant de monde que je me retrouvai poussée de tous les côtés.
Un coup de coude mal placé m'envoya contre une porte argentée, qui s'ouvrit.
Et se referma sur moi.
Je ressentis un vent de panique en constatant qu'elle ne s'ouvrait plus du tout.
J'essayai à nouveau, mais rien ne se passait.
Elle ne bougeait plus.
Bordel de merde !
Je me retournai pour voir où je me trouvai, et je vis un long couloir obscur au bout duquel se trouvait un ascenseur.
Je poussai un soupir de soulagement.
Ouf, une issue.
Il s'ouvrit lorsque j'appuyai sur le bouton et je me glissai à l'intérieur.
J'allais appuyer sur le vingt-et-unième bouton, mais il n'y en avait qu'un. Il portait simplement le logo Campbell.
Mon soulagement se dissipa aussitôt.
Je décidai qu'il valait mieux m'y rendre plutôt que de rester ici, dans ce couloir sans issue. J'appuyai sur le bouton.
Mon cœur s'emballa, pour une raison que j'ignorais, et je découvris que mes mains tremblaient légèrement.
Je me sentais piégée, là-dedans, et j'avais l'impression d'être dominée par une présence puissante et terrifiante.
Qu'est-ce qu'il était en train de m'arriver ?
Pourquoi me sentais-je si effrayée ?
C'était quoi, ce bordel ?
L'ascenseur s'immobilisa et s'ouvrit. J'en sortis aussi vite que possible.
Je pourrais peut-être enfin respirer, là. Où étais-je ?
Je tournai sur moi-même et ma mâchoire se décrocha.
Littéralement.
C'était un bureau immense, à couper le souffle.
Il était poli, brillant, tellement élégant.
Tout avait l'air hors de prix.
Les sièges en cuir blanc étaient luisants et j'avais peur de les ruiner au moindre toucher.
La vue était encore plus incroyable, d'ici.
Je retins un hoquet de stupeur lorsque mes yeux se posèrent sur un tableau au mur. Je me rendis compte que c'était une des toiles dont tout le monde parlait.
Elle coûtait des millions.
Bordel de merde.
Il y avait une cheminée géante et un grand écran plat au mur.
Tout, littéralement tout dans ce bureau était blanc. Même les stylos.
Je n'aurais pas pu décrire ce qui m'entourait parce que mes yeux étaient comme aveuglés et n'arrivaient à accrocher à rien.
J'entendis les portes s'ouvrir à la volée et des pas rapides.
Avant que je n'aie pu comprendre ce qu'il se passait, on me plaquait au sol et le canon d'une arme s'enfonçait dans le creux de ma nuque.
Merde.
Comme dans les films.
Pas moyen que ce soit réel, tout ça.
Pas moyen que je sois vraiment, là, plaquée au sol avec un flingue contre ma tempe, comme une criminelle.
J'essayai de lever la tête, mais on me repoussa.
Je grinçai des dents.
"Donnez-moi une bonne raison d'être dans un bureau privé, avant que je vous explose la cervelle !" aboya le type en enfonçant le canon dans ma chair.
Un bureau privé ?
Comment j'aurais pu savoir que c'était interdit ?
"Parlez, maintenant !"
Je tremblais de peur.
"Je… je me suis perdu. Je savais pas que j'étais pas censée être là."
"Je suis désolée… s'il vous plait, ne tirez pas !" suppliai-je en fermant les yeux et en priant Dieu de ne pas me laisser finir morte, seule, dans un endroit pareil.
"Repos, Gideon." dit quelqu'un. Je poussai un soupir de soulagement.
Je sentis le canon se retirer de ma nuque.
Mais je restai au sol, car je ne savais pas si ça signifiait que j'étais libre.
Car, voyez-vous, j'accordais beaucoup de valeur à ma vie.
"Debout."
Je n'avais pas besoin qu'on me le répète.
En me levant, je me retournai lentement pour faire face aux hommes en costume noir, armés, qui se tenaient devant moi.
Je frissonnai en posant les yeux sur celui qui avait braqué son flingue sur moi.
"Votre nom ?"
"Lauren Hart." dis-je en levant le menton, et en espérant que ma voix était plus ferme qu'elle ne me semblait l'être.
"J'avais pas l'intention de venir ici. Je suis là pour l'entretien d'embauche. On m'a poussé à travers une porte et… je me suis retrouvée là.
"Pas moyen de faire demi-tour, à part en prenant un ascenseur qui menait ici.
"Si vous pensez que je suis là pour voler quelque chose, vous vous trompez."
Je rassemblai tout mon courage pour poursuivre. "S'il vous plaît… Laissez-moi partir."
Ils échangèrent un bref regard et il ne me fallut pas longtemps pour comprendre qu'ils communiquaient par le regard.
Celui qui semblait être le leader fit un geste et un autre sortit du bureau.
"Donc… je peux juste partir ?" Je souris et fis un pas en avant, mais on me barra la route.
"… ou pas." Je reculai de quelques pas.
"Écoutez, j'ai plus aucune raison d'être là.
"Je vous ai déjà dit que j'avais rien volé. Laissez-moi partir. Je dois aller à mon entretien d'embauche."
Ils m'ignoraient.
Puis…
Je frissonnai.
L'air venait de changer de nature, d'épaisseur.
Le froid de mon environnement était devenu oppressant, il faisait battre mon cœur dans ma poitrine.
Je sentis presque physiquement le flux d'émotion qui me traversait, face à cette force puissante qui allait déverser sa fureur.
Je saisis mon sac plus fermement, ce sentiment manquait de me renverser.
J'entendis des pas courroucés battre le sol. Puis je le vis.
Je pourrais le jurer…
J'avais
arrêté
de respirer.
Il était là, debout, sa pose puissante piégeait l'air dans ma gorge.
Il respirait bruyamment, son large torse musclé se soulevait et s'abaissait comme s'il venait de courir un marathon.
Il était habillé de noir de la tête aux pieds. Costume Armani noir, chemise noire, cravate noire. L'ensemble donnait presque à ses bras puissants et à son torse une vie qui leur était propre. C'était une manière de défier tous ceux qui douteraient qu'il était redoutablement sexy… et redoutable tout court.
Il était beau, presque aussi beau que s'il s'était sculpté lui-même. Il avait des pommettes qui rendraient n'importe quelle femme et n'importe quel homme jaloux à mourir, un nez parfaitement droit et des lèvres carmin.
Et ses yeux, oh mon dieu, ses yeux étaient parfaitement argentés.
Il avait le regard le plus intense, et pourtant le plus froid, qu'il ne m'avait jamais été donné de voir.
Il passa ses doigts dans ses cheveux sombres, et ses yeux argentés cherchaient déjà autour de lui sur quelle pauvre âme assez stupide pour les affronter il pourrait les poser.
Son regard était assez brûlant pour faire disparaître la race humaine dans sa totalité.
C'était Mason Campbell.
L'homme le plus vicieux du pays.
Je déglutis.
L'homme s'écarta de son chemin pour le laisser entrer. Ses mouvements étaient larges, puissants et respiraient la confiance.
Il ne posa même pas les yeux sur moi lorsqu'il s'assit derrière son bureau et parcourut quelques documents.
Personne ne dit un mot. Pendant cinq longues minutes. Je commençais à me sentir fatiguée et mes jambes me faisaient mal.
Personne ne faisait attention à moi. Personne ne semblait pourtant prêt à me laisser partir.
Je laissai échapper la plus infime expiration, celle que je retenais depuis de longues minutes et j'allais faire demi tour lorsque je vis Gideon et ses hommes quitter le bureau.
Mon estomac tomba dans mes talons.
Ils ne me firent pas signe de les suivre.
Ils étaient partis, et j'étais seule. Face à sa présence. Face à sa puissance.
Je m'efforçai d'avoir l'air naturelle, mais bordel, c'était impossible.
Je restai ainsi figée, sur place, agitant discrètement les orteils et le bout de mes doigts pour soulager ma nervosité.
J'avais envie de lever les yeux vers Mason Campbell, mais j'avais peur qu'il me transforme en cendres ou en pierre.
Ce qui ne me convenait pas du tout.
"Cessez de me déranger." Sa voix était douce, et pourtant froide et presque fatale.
Je ne savais même pas qu'il était au courant de ma présence.
Il ne chercha pas à cacher son agacement. Mason Campbell posa son regard le plus noir sur moi, la fille qui osait déranger sa concentration.
"Ou je devrai intervenir."
Ma gorge se serra tant que je peinai à respirer.
La peur me pétrissait. Des images de mon corps, froid et sans vie, abandonné dans un endroit sordide, passaient devant mes yeux et remuait de vives émotions en moi.
Je manquai de me pisser dessus.
"Asseyez-vous."
Les jambes tremblantes, je me hâtai d'obéir et de m'asseoir sur une des chaises devant lui. J'aurais préféré échapper à son regard, mais c'était impossible.
"Qu'est-ce que vous faites là ?" demanda-t-il sans jamais lever le regard des documents qu'il semblait rédiger.
J'avais envie de couler un regard, pour voir à quoi ressemblait son écriture.
Serait-elle moche et brouillonne ? Ou belle et appliquée ?
Je savais que ce serait plutôt la dernière option.
Je changeai de position sur mon siège, rassemblant mon courage pour parler avant qu'il ne se mette en colère.
Je me souvenais que trop bien de ce qu'on disait de Mason Campbell.
La seule émotion intense qu'il ait traversé dans sa vie était la rage, et la noirceur glaciale de son propre cœur.
On disait que sa fureur brûlait d'un feu si froid qu'il pouvait geler le sang de celui qui en était la victime.
Je pensais que c'était absurde. Que c'était un mensonge. Qu'il ne pouvait pas être ce qu'on disait de lui. Mais je commençais à changer d'avis.
"J…e…j…J…e…" balbutiai-je, terrifiée. La phrase que je voulais prononcer restait bien cachée derrière mon cœur battant.
Mason cessa d'écrire et leva soudain les yeux vers moi.
Ses iris argentés puissants me pénétrèrent comme une lame.
Il continua de creuser dans ma tête pendant un instant. Je déglutis.
"Attention à ce que vous allait dire." dit-il, avant d'incliner la tête.
"Je vous fais peur ?"
J'humectai mes lèvres avant de répondre. "C'est une question piège ?" demandai-je à voix basse.
Comme il ne répondait pas, j'ajoutai. "O…oui."
Il leva un sourcil impeccable.
"Ah bon ?"
"Je n'ai pas envie de dire quelque chose qui me vaille de finir morte quelque part, dans la nuit."
"On dit que vous êtes un tueur de sang froid, et que vous prenez plaisir à tuer vos victimes et à les faire disparaître."
Je ne me rendis pas compte de ce que je disais avant qu'il ne soit trop tard.
J'écarquillai les yeux et posai une main sur ma bouche.
Il serra les mâchoires et passa une main lasse sur son visage.
"Vous savez à qui vous vous adressez ? Mademoiselle…" Il darda son regard argenté sur moi, froid comme la mort, avec un ton tout aussi glacial.
"Hart." répondis-je d'une voix tremblante.
"Lauren Hart. Et oui, bien entendu, M. Campbell."
"Mademoiselle Hart, je n'aime pas me répéter. Pourquoi êtes-vous ici ?" insista-t-il d'une voix plus forte, cette fois.
Plus forte, et empreinte des premières traces de colère et d'impatience.
"Je suis là pour l'entretien. Je n'avais pas l'intention d'être ici. On m'a poussée à travers une porte et la seule issue était cet ascenseur qui m'a mené ici… Je suis tellement désolée.
"Si vous vouliez bien avoir la gentillesse de me laisser partir, je vais y aller."
"Je ne suis pas gentil." dit-il d'un air dégoûté, comme s'il venait de prononcer un mot qu'il ne connaissait pas et dont la substance était répugnante.
"Bien sûr. L'amabilité ?"
Se redressant de toute sa superbe, M. Campbell haussa un sourcil.
Inquisiteur et plein de défi.
"Aucune différence."
L'irritation commençait à poindre dans mes veines. Je posai sur son regard brûlant mes yeux aussi froids et posés que possible.
"Si vous pouviez avoir la générosité de me laisser partir ? Je ne voudrais plus vous incommoder."
"Vous possédez un dictionnaire, Mademoiselle Hart ?" demanda-t-il sans ciller.
"Ce sont là les seuls mots que vous connaissez ?" Et lorsqu'il vit que je m'apprêtais à répondre, il poursuivit.
"C'était une question purement rhétorique."
"Oh."
"En effet." répondit-il avec un ton qui semblait me dire que j'étais la dernière des imbéciles.
"Donnez-moi votre CV."
J'étudiai son visage pendant un long moment atrocement inconfortable.
"Vous voulez voir mon CV ?"
"Je crois m'être exprimé en bon français. Donnez-moi votre CV."
Je m'empressai d'obéir et il se mit à le lire.
"Ah. Vous êtes allés à Knight je vois. Naturellement, je doute que vous ayez eu de très bonne notes.
"Deux expériences professionnelles auparavant. Aucune dans cette entreprise." dit-il, pour lui-même, mais prononçant chaque mot distinctement.
Son visage se plissa en une expression ressemblait à un mélange de pitié et de reproche.
"En entrant ici, j'espère que vous pensiez n'avoir pas la moindre chance de décrocher ce poste.
"De ce que je vois, vous n'êtes pas du tout assez qualifiée pour travailler chez Campbell Industry, Mademoiselle Hart." asséna-t-il, et chaque fibre de son corps semblait me défier de le contredire.
J'affrontai son regard avec un air que je voulais déterminé, inflexible, et porté par mes yeux verts. Ma colère menaçait de déborder.
Je plissai les lèvres en espérant qu'il ne verrait pas les tics nerveux qui agitaient mes traits.
"Quoi ? J'ai pas le job ?" demandai-je. Ses mots plongeaient dans mon cœur comme un couteau parfaitement affûté.
Je savais en entrant ici que je n'avais pas la moindre chance. Il avait raison. Et ça me faisait d'autant plus mal.
C'était la seule option que j'avais pour un job parfait avec un bon salaire.
J'avais envie de lui répondre que je n'étais pas censée passer l'entretien avec lui, que c'était Mary Warner qui m'avait faite venir.
Mais j'étais une lâche.
"Vous allez pleurer ?" demanda-t-il en inclinant la tête.
"Non. C'est juste…"
"Tant mieux. Je déteste les femmes faibles qui n’ont pas les épaules voir la vérité en face. Essuyez vos larmes avant de laisser votre ADN partout dans mon bureau."
Je me raidis et une veine sur mon front se mit à battre.
"Merci de m'avoir consacré votre temps, M. Campbell."
Mon cœur battait au rythme d'une rage folle tandis que j'essayai de me lever avec dignité pour quitter son foutu bureau et son tempérament exécrable.
"Mais… vous êtes qualifiée pour une chose. Il vient d'y avoir une opportunité qui s'est libérée et qui devrait vous convenir. Est-ce que vous aimeriez être mon assistante ? Ne vous faites pas trop d'idées sur l'intitulé du poste, en revanche.
"Vous serez simplement chargée de faire mes courses, de prendre mes appels et de me chercher du thé. Votre salaire, bien entendu, sera misérable."
Je pris une série de longues inspirations jusqu'à ce que la tension redescende.
"M. Campbell, si vous pouviez…"
"À prendre ou à laisser. Maintenant. Il y a des centaines de personnes qui tueraient pour ce boulot."
Je fermai les yeux et pinçai l'arête de mon nez. Je réprimai l'envie de hurler. "Oui, mais…"
Il détourna le regard et reporta son attention sur les documents devant lui.
"Bonne journée, mademoiselle Hart."
Une partie de moi me criait que c'était un bon boulot, une autre que je ne méritais pas de me faire maltraiter pour si peu. Celle qui criait le plus fort l'emporta aussitôt.
"Je prends le job. C'est d'accord !" Je serrai les lèvres et ravalai mon amertume qui s'était déversée dans ma gorge. Et je posai sur lui un regard plein de dédain.
"M. Campbell, vous m'avez entendue ?
"J'ai dit que j'acceptais le job." Mon corps entier vibrait d'agitation. Je serrai mes propres mains jusqu'à ce que mes jointures deviennent blanches. Il m'ignorait royalement.
"Je vous revois lundi à huit heures." dit-il sans même lever le regard.
"Merci ! Merci infiniment. Je ne vous déce…"
Il m'interrompit. "Je vous laisse regagner la sortie."
Quel connard. Je sortis de son bureau en silence, et mon cerveau se mit instantanément à rejouer les vingt dernières minutes que je venais de passer avec lui. Pendant tout ce temps, il n'avait pas eu la moindre parole sympathique.
Comment pouvait-on travailler pour quelqu'un comme ça ?
Souviens-toi, Lauren. Tu travailles pour lui maintenant. Quelle chance.
Si je n'avais pas eu si désespérément besoin d'un travail, je n'aurais jamais accepté.
Même si le salaire n'était pas celui que j'espérais, j'allais accepter son offre.
Il fallait bien l'admettre, j'avais envisagé de refuser, mais je m'étais souvenue de mon père et du fait que je faisais tout cela pour lui.
J'espérais simplement que j'allais survivre à ce job aux côtés de Mason Campbell.