Rencontre à l'Autel

AUJOURD'HUI

« Es-tu prête à mettre ta robe ? » demanda Stéphanie en posant ses mains sur mes épaules. J’avais tellement de chance d'avoir ma future belle-sœur à mes côtés pour me soutenir.

« Tante Krissa va être très belle, maman », émit sa fille, Natalie de sa petite voix. Elle se tenait aux côtés de sa mère, adorable dans sa petite robe en dentelle.

Ses longues mèches blondes étaient tressées à l'arrière de sa tête et quelques boucles encadraient son visage. Elle avait l'air tellement excitée que nous l'ayons incluse dans les festivités de la journée.

« C’est vrai, ma chérie. Mais je crois qu'elle panique un peu » dit Stéphanie d’une voix amusée en croisant mon regard dans le miroir. « Pourquoi n'irais-tu pas voir ce que fait ton oncle Cameron ? »

Ma future nièce se mit à glousser et quitta la pièce en gambadant, ses petites tresses blondes volant derrière elle.

« Je ne panique pas », assurai-je à Stéphanie. J'étais nerveuse, mais ça allait. J’avais tellement attendu ce moment…

« Tu transpires, Krista. »

« Je suis juste un peu nerveuse », admis-je en agitant mes mains moites.

« Tu ne vas pas prendre la fuite, j’espère ? » Steph rit et son sourire s'élargit.

« Non. Ce mariage va avoir lieu. C'est juste... beaucoup. » Nous avions traversé tant d'épreuves pour arriver à ce jour. Je craignais toujours que quelque chose n’advienne pour tout gâcher.

« Je pense qu'il est aussi nerveux que toi ». Elle devait le savoir, étant sa grande sœur, mais je ne parvenais pas à m’imaginer mon futur époux aussi fébrile que je l’étais en ce moment .

« Il n'est jamais nerveux », dis-je en riant.

« Eh bien, aujourd'hui, si. » Elle prit soudain un air grave. « Cam a dit qu'il craignait que tu ne veuilles tout annuler. Est-ce que vous avez des problèmes, tous les deux ? »

« Non... non, aucun », dis-je d'un ton assuré. J'espérais qu'il ne doutait pas de moi à cause de ce qu’il s'était passé plus tôt dans la semaine.

« On dirait que si, pourtant ». Steph me dévisagea avec curiosité. Elle refusait que son frère et moi lui cachions quoi que ce soit.

« Il m'a appelée la semaine dernière. Il a entendu parler du mariage par un ami commun », lui avouai-je. Elle aurait bien fini par le découvrir de toute façon. Cela ne servait à rien de le lui cacher.

Stéphanie laissa échapper une exclamation étouffée. Elle ne s’était visiblement pas attendue à cette révélation. La famille de mon fiancé actuel était plus au moins au courant de mes premières fiançailles.

« Qu'est-ce qu'il voulait ? » Elle ne fit aucun effort pour masquer la colère qui l’envahissait. C’est elle qui l’avait rencontré en premier. Tous les autres membres de notre groupe s'étaient rencontrés la première semaine de l'université.

« Il voulait qu'on se voie pour parler ».

Je vis son visage se tordre de dégoût.

« Je lui ai dit non », me hâtai-je de poursuivre en secouant la tête. Je n'avais aucune envie de revenir sur cette partie de mon passé. C'était une période sombre pour nous tous.

« C'est bien. Ce salaud ne mérite pas une minute de ton temps.

Et qu'a dit mon frère ? » demanda-t-elle à voix basse, en me regardant dans les yeux. Tous nos passés étaient liés. Toutes ces histoires l’avaient affecté autant que moi.

Je marquai une pause en me rappelant la tête qu'il avait faite lorsque le numéro de mon ex était apparu sur l'écran de mon téléphone. « Il voulait le tuer. »

« Bien », dit-elle en ricanant. « Il mérite pire que ça, pour ce qu'il vous a fait subir à tous ».

« Il m'a envoyé un e-mail hier soir. »

« Qu'est-ce qu’il disait ? » Elle resta brièvement bouche bée par la surprise avant de se reprendre, et je ne pus m’empêcher de pouffer devant son expression.

« Je ne sais pas. Je ne l'ai pas ouvert. » Je ne voulais pas le voir après tout ce temps. Il avait pris sa décision, et je devais maintenant faire face aux conséquences de ses actions.

« Bien. Ne le fais pas », insista-t-elle. Il avait également coupé les ponts avec elle. Elle n'avait plus à son égard les sentiments amicaux qu'elle avait eus autrefois.

J’avais été triste de constater le nombre de personnes qu'il avait exclues, mais je savais que c'était pour se préserver.

Je hochai la tête en pensant au message non lu qui se trouvait en haut de ma boîte de réception. Une partie de moi voulait l’ouvrir, et connaître les réponses aux questions qu’il avait laissées en suspens, l'autre partie souhaitait qu'il disparaisse à nouveau de ma vie.

« Tu veux que je le lise ? »

Je secouai légèrement la tête, et elle comprit. Il faisait partie de mon passé. Je n'allais pas le laisser gâcher mon avenir.

« Mets ta robe. Je suis sûre que mon frère commence à s'inquiéter. Il ne nous reste qu'une demi-heure avant que la cérémonie ne commence. »

Je me levai du tabouret sur lequel j'étais assise et je poussai un grand soupir. Stéphanie avait raison. Trop penser au passé risquait d’affecter mon avenir.

Il nous avait fallu beaucoup de temps pour en arriver là.

Je devais laisser les fantômes du passé derrière moi.

***

« Oh, ma chérie. Tu es superbe », murmura mon père, Peter, en me tenant par les épaules et en me regardant.

Je sentis des larmes perler au coin de mes yeux en regardant mon père. Il n'avait jamais été très démonstratif, mais je savais qu'il avait du mal à accepter que je me marie.

Il avait vu à quel point j'avais été blessée lorsque mes premières fiançailles avaient été annulées, à quelques semaines de l'événement.

« Tu es sûre que c'est le bon ? »

Je savais ce qu'il me demandait. Tout le monde supposait que nous nous étions mis ensemble après ce qu’il s'était passé deux ans plus tôt. Nos proches ne savaient pas que nous étions sortis ensemble avant. Ou que je les avais rencontrés tous les deux en même temps.

Nous n'avions pas non plus pris la peine de clarifier quoi que ce soit. Ce qu'ils pensaient savoir de nous n'avait pas d'importance. Notre relation était solide.

Honnêtement, je n'avais jamais été aussi heureuse. Il n'était pas celui que j'avais imaginé épouser au départ, mais j'étais ravie que nous nous soyons enfin décidés à sauter le pas.

« Oui, papa. J'en suis sûre. Je pense qu'il a toujours été le bon », lui dis-je, la gorge serrée par l’émotion, en me tamponnant le coin de l'œil.

Ses yeux bleu foncé rencontrèrent les miens et il scruta longuement mon visage avant d'acquiescer. Il prit mon visage entre ses mains ridées et il se pencha en avant pour déposer un doux baiser sur mon front.

« Ta mère et moi avons toujours souhaité ton bonheur. »

« Je sais, papa. Merci. »

Il se tourna vers les portes fermées de la salle qui m'avait été réservée pour me préparer. Mes demoiselles d'honneur étaient allées et venues, et attendaient désormais à l'entrée de l'église que la cérémonie commence.

« Vous êtes prêts à partir ? Tout est en place », demanda Stéphanie en faisant un signe de tête vers le sanctuaire.

J'acquiesçai et mon père se tourna vers moi en me tendant le bras. Mes mains saisirent son biceps et je me tournai doucement vers la porte.

La dentelle de ma traîne émit un doux bruissement derrière moi lorsque nous nous dirigeâmes vers la porte ouverte.

Ma future belle-sœur, qui était l'une de mes amies les plus proches depuis des années, renifla lorsque je passai devant elle.

« Hors de question que je me mette à pleurer », murmura-t-elle en touchant du bout des doigts le coin de son œil.

« Attends un peu pour commencer », dis-je, souriante, en voyant son visage se crisper.

« Nous avons tous parié de l'argent sur qui pleurera le premier », dit Steph en riant.

« J'ai misé vingt dollars sur Cam », annonça fièrement mon père. Mon futur beau-frère était fou, mais il était aussi très sensible.

« Krista est la seule à avoir parié sur le marié », dit Stéphanie en clignant de l'œil, et je me sentis rougir.

« Je parie sur l'oncle Cam ».

Nous rîmes de bon cœur lorsque Nat arriva en courant dans le couloir et attrapa la main de sa mère.

« Papa a dit qu'il était temps de partir. Il m'a demandé pourquoi les femmes étaient toujours en retard. Je lui ai dit que je ne savais pas, parce que je n'étais pas encore une femme. »

« C'est un mystère, ma puce. Aucun homme ne comprendra jamais », lui dit sérieusement mon père.

« On se retrouve là-bas », dit-elle avec un regard appuyé avant de laisser sa fille l'entraîner dans le couloir.

« Tu crois qu'il va pleurer ? » demanda mon père en me tendant le bras.

« Je ne le crois pas, je le sais. Vous pensez tous que c'est gros caïd, mais au fond, c'est un vrai cœur d’artichaut. » Mon fiancé était parfois un dur à cuire, mais c'était une personne extraordinaire.

« Alors tu vas me prendre tout mon argent d'ici la fin de la journée », dit-il en riant. Nous marchâmes lentement dans le couloir, pour nous diriger vers le salon où toutes les demoiselles d'honneur étaient rassemblées.

Ma sœur, ma belle-sœur, ma meilleure amie Allison et ma nièce étaient toutes alignées devant les lourdes portes en érable.

La musique à l'intérieur de l'église était étouffée, mais je reconnus la douce mélodie de la harpe qui signalait l'ouverture des portes.

« À bientôt, tante Krissa », murmura Nat avant de disparaître par les portes ouvertes. Mon père et moi nous alignâmes, à l'abri des regards des invités, et attendîmes le signal de l'organisatrice du mariage.

La chanson changea à nouveau et la petite blonde nous fit signe d'avancer. C'était le moment.

Alors que mes talons de soie crème franchissaient le seuil du sanctuaire, les dernières années de ma vie défilèrent dans mon esprit.

Je n'avais jamais imaginé que le visage de l'homme qui se tenait devant l’autel serait inscrit dans mon avenir, mais lorsque ses yeux brillants se posèrent sur les miens...

Je sus que c'était lui depuis le début.