L'animal de compagnie du Dragon

Minx

« Ne t'avise pas de t'enfuir avec mon or, cracheuse de feu, ou je te dénonce ! »

Le négociant de Cyclone est l'un des mortels les plus courageux que j'ai jamais rencontrés, je suis impressionnée.

Cependant, bien qu'il soit rare de rencontrer un mortel qui ne chie pas dans son froc devant mon type de race dans les terres de Cyclone, je n'arrive pas à croire ma malchance.

Je n'ai pas le temps de m'occuper d'un homme qui veut me dénoncer à qui que ce soit. J'ai déjà des ennuis avec trop de gens par ici.

D'habitude, je réserve mes tactiques d'intimidation aux dragons, aux mages ou aux Blood Ravens, mais là, je dois réserver une petite surprise au mortel qui se trouve devant moi : « Je reviendrai te manger avant que tu ne me dénonces à qui que ce soit, vieil homme. »

Je souris très lentement tandis que mes crocs légèrement plus longs que la normale, même sous ma forme humaine, dégoulinent de venin.

« Bonne journée à toi, sale ordure ! » crie-t-il derrière moi, et je sais que malgré l'insulte murmurée à la fin, il va me laisser partir.

Je hoche la tête en souriant tandis que je cours dans la rue pavée, déjà recouverte de jolis flocons de neige alors que l'hiver commence à s'installer dans le ciel maussade et constamment couvert au-dessus de nous.

Je tiens le sac d'or volé bien serré dans ma main tandis que je cours, avec ce sentiment redoutable qui remonte le long de ma colonne vertébrale.

Quelqu’un m’observe.

En traversant la rue glacée, je ne sens pas trop le froid. Je ne porte peut-être qu'un pantalon de cuir noir, une brassière en cuir et un chapeau fait avec la fourrure d'un lapin que j'ai soigneusement abattu moi-même, mais je me sens bien.

Je ralentis maintenant en me dirigeant vers une foule de péquenauds occupés à quitter les enchères hebdomadaires de l'hôtel de ville.

Sur les terres de Cyclone, même les mortels possèdent d'autres mortels comme esclaves, pas seulement les dragons de Cyclone ou les mages.

Je me fonds dans la foule, volant à la tire quelques mortels mécontents et effrayés, lorsqu'ils voient le tatouage de cracheuse de feu sur mon menton.

À l’orée de la foule, je me fraye un chemin dans une ruelle vers une porte latérale qui mène à un sauna.

Je me glisse à l'intérieur et bouscule presque Lotus, mon ami aux cheveux blancs.

« Bouge de là, s'il te plaît. » Je lui mets la main sur l'épaule et le pousse sur le côté en sautillant vers la réceptionniste et en jetant le sac d'argent au propriétaire.

« Je n'attends pas, c'est mon tour ! » Je passe devant les mortels qui me lancent des regards furieux pour courir dans les couloirs au carrelage régulier, jusqu'à retrouver mon endroit préféré.

J'aime me baigner et les lacs des terres de Cyclone ne sont pas amusants. Ils sont remplis de monstres bien plus grands que moi. Je trouve un sauna et un bassin vide, alimenté par une source chaude naturelle.

Les dragons peuvent passer de leur forme naturelle à celle d'humain et vice-versa, alors je me transforme en brume pour quitter mes vêtements au lieu de les enlever péniblement.

Alors que le tissu retombe sur les carreaux, je me matérialise sous ma forme humaine une fois de plus, je plonge dans le bassin la tête la première et remonte à la surface en riant de soulagement.

« Tu es toujours aussi folle », dit Lotus depuis le seuil de la porte, en me regardant avec exaspération. « Tu as trop payé le propriétaire, encore une fois. »

« J'aime ces bassins, va-t’en, c’est réservé aux filles. » Je repousse Lotus avec ma main, il hausse les épaules et se retourne pour sortir, mais pas avant de s'arrêter et de regarder par-dessus son épaule.

« Quelles autres filles, Minx ? Il n'y a que toi. »

« Va-t’en. » Je le repousse à nouveau, et au moment où il part, je m'enfonce dans l'eau chaude jusqu'à ce qu'au menton.

Je soupire et me laisse regagner par un peu de bon sens.

Je ne suis plus aussi folle qu'avant, je suis beaucoup plus « normale » maintenant.

Cependant, les territoires de Cyclone sont dangereux, et les cracheurs de feu sont connus pour leur rage sanguinaire et leurs actes innommables et illogiques.

Je sais donc comment jouer mon rôle, mais je suis beaucoup plus calme maintenant que j'ai atteint l'âge adulte.

Mais je n'aime pas le montrer, même à Lotus, mon seul ami.

C'est un chasseur mortel. Il aime tuer des lapins et m'a vue en manger un quand je ne trouvais pas d'autre nourriture dans les forêts enneigées.

Il a quelques années de plus que moi et se montre plutôt gentil, mais un peu foireux.

Je l'ai rencontré hier.

Ouais, je ne sais pas vraiment comment me faire des amis à long terme.

Mais il y a une raison pour laquelle je ne peux pas apprécier la compagnie des autres : je suis toujours en cavale.

Ces yeux que j'ai sentis sur moi dans la rue, je les sens de temps en temps depuis des années maintenant.

De temps en temps, j'aperçois l'un des deux jumeaux de loin. Rawk et Zoraul.

Je frissonne de dégoût en pensant aux noms de mes compagnons. Ils me font peur, à cause de ce qu'ils signifient. La propriété.

J'étais autrefois l'animal de compagnie d'une princesse Assassin de l'Ombre. Amadahy a été gentille au fil des ans, mais je lui appartenais quand même et elle m'appelait son animal de compagnie.

J'ai passé des années à penser que nous étions amies, puis j'ai découvert qu'elle ne me gardait que grâce à ma race de dragon.

Je suis une Bellum Minima Dominus, une sorte de petit seigneur de guerre. Je peux commander d'autres cracheurs de feu pour aller à la guerre. J'étais seulement utile pour Amadahy.

Je me suis disputée avec elle à ce sujet il y a quatre ans, quand j'avais quatorze ans, et je suis partie pour suivre ma propre voie.

Cependant, je n'ai certainement pas peur de mon rôle, car si une guerre était nécessaire, j'aiderais à la mener.

Mais il n'y a pas de guerre, et je voulais simplement être libre de découvrir qui je suis par moi-même. Malheureusement, quand j'ai rencontré Lotus hier, j'avais dix-huit ans.

Dix-huit ans, c'est l'âge auquel mes compagnons vont me revendiquer. Ils me laissent des notes à ce sujet de temps en temps.

Maintenant, les deux Jumeaux de Race Dominante, Rawk et Zoraul, peuvent se pointer à tout moment. Mais je ne suis pas prête à me soumettre à qui que ce soit... Je ne sais pas si je le serai un jour.

Je m'assieds dans mon sauna privé et regarde mon reflet dans l'eau. Mes yeux verts complètent mes cheveux violets très foncés, tandis que mes dents sont très blanches, et mes crocs sont acérés.

Je ferme les yeux et me regarde dans l'eau. Je ne sais pas si je suis attirante ou non.

Je veux dire, mes seins n'ont que très peu grossi et je n’ai pas vraiment des courbes, mais c'est une autre question liée à ma race.

Je suis aussi petite que mon petit dragon violet quand je me transforme.

Mes compagnons, en revanche, ont un héritage terrifiant. Rawk et Zoraul ne sont pas seulement de la race d'Argent.

Ils sont les fils uniques de l’Ombre du Ciel, Storm, un dragon légendaire vieux de sept cents ans.

Je n'ai croisé mes compagnons qu’une seule fois il y a quatre ans, lorsque je les ai rencontrés entourés d'autres amis.

On s'est moqué de moi parce que j'avais fait une crise de colère. J'ai fini par m'enfuir en hurlant dans la forêt après qu'on m'ait dit que Rawk et Zoraul étaient mes compagnons.

À l'époque, Rawk et Zoraul m'avaient retrouvée. Ce souvenir est encore tellement vivace pour moi.

Je me cachais sous une fougère, pleurant dans mes mains tremblantes, le visage contre la terre alors que j'entendais des pas qui ralentissaient et se rapprochaient.

J'avais tellement couru que j’étais trop épuisée pour reprendre ma forme de dragon. À la place, je me blottissais en pleurant, effrayée.

« Petite cracheuse de feu », avait dit Rawk, l'air énervé et irrité, mais il essayait d'être gentil. « Arrête de pleurer ? »

Sans me toucher, Zoraul s’était penché en avant et m’avait tendu la main. J’avais lev » les yeux et lui avais répondu sèchement, comme un petit monstre sauvage de quatorze ans.

« Ne me touchez pas, racailles de Cyclone ! » leur avais-je crié à tous les deux. J’étais surprise de les voir reculer, échangeant des regards inquiets.

« Calme-toi et fais-nous confiance, petite Minx », avait suggéré Zoraul. « On va te raccompagner. » Il s'était accroupi en tendant la main. « Allez, viens... »

J’avais fini par tendre la main en pleurnichant, vaincue.

Le reste est flou car ils avaient ensuite trahi ma confiance.

Zoraul m'avait tenue allongée pendant que Rawk pressait une main entourée de son feu sur le bas de mon dos. C'était indolore mais cela m’avait laissé à jamais une marque de propriété pour éloigner les autres dragons.

Ils m'avaient réclamée très tôt dans ce but. J'avais échappé à leur emprise et m’étais enfuie une fois de plus.

C'est la seule rencontre physique que j'ai eu avec mes compagnons menteurs.

Je fronce les sourcils en pensant aux notes qu'ils m'ont envoyées par la suite, menaçant de m'attraper dès que je serais en âge d’être réclamée.

Cependant, je suis catégorique : je ne suis pas un animal de compagnie et n'en serai jamais un. Jamais.

« Hé... Minxy ? » Lotus réapparaît dans l'embrasure de la porte ouverte, tenant un sachet de chocolats. « Compliments du propriétaire pour ton or supplémentaire... »

« Oh, Dieux du Ciel, c'est vraiment du chocolat ? » murmuré-je avec plaisir, mais je suis surprise lorsque Lotus semble souffrir soudainement.

Il laisse tomber le sachet de façon théâtrale et tombe aussi sur le sol, tandis que du sang semble s'écouler de son ventre. Un trou mystérieux apparaît soudainement dans sa tunique.

Alors que Lotus s’effondre en gémissant, un mirage entre dans la pièce privée.

Une épée se matérialise et le mirage qui la tient se déplace silencieusement vers la gauche... tandis qu'un autre mirage apparaît sur la droite.

Je cligne des yeux et les deux mirages deviennent mes pires cauchemars.

Mes compagnons.

Je suis choquée de voir qu'ils ont l'air complètement différents, plus âgés, plus grands et plus redoutables.

Zoraul tient l'épée, il porte un pantalon en cuir brun et sa longue crinière de cheveux argentés flotte derrière lui.

Une cicatrice noire couvre toute sa poitrine et son épaule.

Le mirage de droite se matérialise lentement en un géant, Rawk, qui a des cheveux argentés plus foncés, tout aussi longs que Zoraul mais encore plus désordonnés.

Il porte un pantalon de cuir gris et a une cicatrice noire et irrégulière plus petite, mais elle traverse son visage.

Ils ont tous deux les mêmes yeux dorés intenses.

Alors que je suis simplement en train d'admirer leur taille, l'inattendu se produit.

Zoraul se tourne vers Rawk avec surprise et Rawk se tourne également vers Zoraul avec une même réaction d'incrédulité.

« Pars », lance Zoraul, « tu n'es pas le bienvenu. Retourne dans ta Horde, mon frère. »

Ma bouche s'ouvre et se ferme lorsque j'entends la haine dans sa voix en prononçant ce terme autrefois affectueux.

Rawk rit bruyamment et se tourne vers son frère en sortant deux épées courtes des fourreaux qu'il porte dans le dos.

« Zoraul, tu sais que je suis le portrait craché du légendaire Storm, c'est la raison pour laquelle je serai toujours le Seigneur. Les gens me craignent... à juste titre. Maintenant, sors et il n'y aura pas besoin de faire couler le sang. »

« Tu devrais peut-être ranger tes cure-dents avant de te ridiculiser devant notre compagne, mon frère. » Zoraul lève les yeux au ciel et ajoute calmement : « Tu n'as rien à faire ici. »

« Comme c'est approprié, j'étais sur le point de te dire exactement la même chose... puisque tu n'es qu'un lâchequi ne mérite pas de s’accoupler avec une compagne », grogne Rawk, faisant clairement référence à un problème précédent entre eux.

Zoraul perd son sang-froid alors qu'il n'avait pas l'air perturbé jusqu’à présent.

Je me glisse hors de l'eau alors qu'ils s'affrontent, se battant l'un contre l'autre. Zoraul frappe en premier, Rawk pare puis s'élance tandis que Zoraul esquive.

Pendant qu'ils sont en proie à une haine passionnée, je m'habille et recule vers une deuxième porte de mon côté de la salle de sauna et de bain.

Je regarde les deux frères tournoyer, frapper et parer, l’un aussi fort que l'autre.

J'aimerais pouvoir rester plus longtemps pour contempler leurs corps immenses et leurs combats gracieux, qui sont... je l'admets... très attirants, du moins pour quelqu'un comme moi.

J'essaie de ne pas trop penser à ma réaction par rapport à la façon dont ils se battent.

Et c'est ainsi que je pars, avec une nouvelle connaissance importante en tête : Rawk et Zoraul ne sont plus des complices ou des jumeaux proches.

Ils sont rivaux.