Parle à la Lune

« Tu es prête à fêter ton anniversaire, meuf ? » demande Micheal en me faisant un clin d'œil et en prenant position sur le ring.

Je glousse. « Et toi, tu es prêt ? » Micheal s'avance vers moi et s'élance. Je l'évite à la toute dernière seconde, il continue dans son élan en me dépassant de quelques pas.

« C'était déloyal ! » s'exclame Micheal.

« Non, c'était malin. Essaie encore. »

Je regarde autour de moi pour essayer de trouver quelque chose. Je sens une odeur merveilleuse : pomme verte et citron. J’en ai l'eau à la bouche, pas pour l’envie de nourriture, mais pour l’envie de toucher. Puis une deuxième odeur me submerge : bois de rose et vanille.

Micheal profite de ma distraction pour me frapper à la mâchoire. Je frotte cet endroit en me maudissant de m’être laissé distraire.

Micheal reprend sa position et me fait signe d'attaquer. Je fais un pas sur ma gauche, puis deux sur ma droite, ce qui le déstabilise avant de dévier à nouveau vers la gauche et de lui donner un coup dans les côtes.

Il pousse un gémissement sonore et je me place rapidement derrière lui. Avant qu'il n'ait le temps de se remettre de mon coup de poing, je prends appui sur sa jambe au niveau du genou pour me propulser vers le haut et je coince sa tête entre mes bras dans une clé d'étranglement.

Je le maintiens fermement jusqu'à ce qu'il tape sur mon bras pour signaler qu'il abandonne. Je le lâche, il tombe à genoux et se met à tousser.

Alpha Darren et Greyson se tapent dans la main à l'extérieur du ring, et le rire d'Alpha Darren résonne dans la clairière. « Ça, c’est ma petite. »

« Alpha », disons Micheal et moi à l’unisson, puis nous exposons nos cous en signe de respect. Alpha Darren acquiesce et nous nous détendons.

Greyson congédie tout le monde de la séance d'entraînement, et tous les stagiaires se précipitent vers les douches, puis il me tapote l'épaule pour me féliciter pour ma victoire.

« Olivia, tu as déjà pris ta décision ? J'envoie Micheal, mais comme tu peux le voir, tu peux largement l’accompagner. » Alpha Darren s'impatiente en attendant ma décision.

Je sens qu'il ne veut pas seulement que je devienne une meilleure combattante, mais aussi que je prenne une certaine distance avec ses fils. Il sait qu'il ne peut pas juste leur ordonner de rester loin de moi et pense qu'une approche plus subtile est plus intelligente.

« Je te le dirai bientôt, Alpha Darren », lui dis-je avec incertitude. Je ne sais toujours pas ce que je dois faire. Est-ce que je prends le chemin le plus sûr ou est-ce que je risque le tout pour le tout ?

« D'accord, d'accord, mais n'attends pas trop longtemps », dit-il en ne plaisantant qu’à moitié.

« Je ne vais pas laisser ça traîner, je te le promets. Tu as vu les jumeaux ? »

Il émet un petit rire. « Oui. »

« Et ? » demandé-je, un peu irritée qu'il ne donne pas plus de détails.

« Et je ne te dirai rien d'autre que ceci : celle dont c’est l’anniversaire est censée se montrer sous son plus beau jour sur les quais à 19 heures précises ce soir », me taquine-t-il.

« J’y serai, merci. » Je commence à trottiner en direction des douches mais Alpha Darren s’adresse encore à moi de derrière.

« Ah, et Olivia... joyeux anniversaire. »

Lorsque j'arrive dans ma chambre à la maison de la meute, je trouve une petite boîte rectangulaire posée sur mon lit. Je souris en devinant que c'est un cadeau d'anniversaire des jumeaux, et me dépêche de l'ouvrir.

Ils n'ont pas pris la peine de l'emballer, alors tout ce que j'ai à faire, c'est d'ouvrir le couvercle. C'est un collier avec une pleine lune en pendentif, et au dos, les mots veni, ~vidi~ et ~amavi~ sont inscrits.

« Nous sommes venus, nous avons vu, nous avons aimé », murmuré-je en passant mon pouce sur l'inscription.

Mon cœur se serre, sachant que ce sera peut-être ma dernière nuit avec eux. Trouver mon compagnon ne changerait pas ce que je ressens pour eux, je les aimerai toujours, mais je vais devoir repousser cet amour au fond de mon cœur.

Je prends une longue douche et passe le reste de la journée à lire et me préparer pour la soirée.

Je décide de porter un jean délavé blanc avec plus de trous que de tissu, un t-shirt noir que j'ai piqué aux jumeaux, et mes chaussures montantes noires.

Je coiffe mes longs cheveux châtain clair et bouclés puis je fais une tresse à la française sur un côté de ma tête, pour l’attacher finalement en queue de cheval. J'ajoute du fard à paupières léger, du mascara et, enfin, un rouge à lèvres mat de couleur rouge foncé.

Je complète ma tenue avec le collier qu'ils m'ont offert.

Je jette un coup d'œil à mon téléphone : 18h48. Il est temps d'aller sur les quais. Je descends les escaliers, sors par la porte et suis le chemin qui mène au lac.

La pleine lune éclaire mon chemin, et Greyson et Emma me rejoignent en chemin. Ils me souhaitent tous les deux un joyeux anniversaire, Greyson me serre dans ses bras et Emma me salue maladroitement. Elle ne m'aime toujours pas beaucoup.

« J'ai entendu dire qu'ils ont travaillé là-dessus toute la journée », dit Emma, avec une jalousie évidente dans la voix.

« Plutôt tout le mois. Je ne sais pas combien d'heures de préparation j'ai dû endurer », ajoute Greyson en passant ses bras sur nos épaules. « Ces garçons savent vraiment comment organiser une fête. »

Quelques minutes plus tard, nous atteignons le lac. On entend de la musique forte et des lumières accrochées aux arbres nous guident vers la fête.

Je sens l'odeur incomparable de la bière, de la tequila, du rhum, du soda, de la grenadine, de l'ananas et de bien d'autres ingrédients pour les boissons.

Mais je sens aussi à nouveau les parfums qui m'ont distraite plus tôt, pomme verte et citron, bois de rose et vanille. Mes tétons durcissent et je sens ma chatte se serrer.

Ces senteurs sont délicieuses et m'excitent sans même que je pose les yeux sur leurs propriétaires.

On aperçoit les docks. Les quais et leurs environs sont remplis de gens. À vue de nez, tous les membres de la meute de plus de seize ans et de moins de vingt-cinq ans sont ici, ce qui fait tout de même bien plus d'une centaine de loups.

La plupart des gens que je croise me saluent et me souhaitent un joyeux anniversaire. Certains me félicitent d'être assez âgée pour trouver un compagnon, d'autres sont simplement contents d'avoir une excuse pour boire.

Je suis les odeurs enivrantes jusqu'au bout des quais et je trouve Jameson et Liam qui me tournent le dos.

Même de dos ils sont magnifiques, et je réalise en reniflant l'air que les odeurs viennent d'eux. Le parfum de pomme verte et de citron vient de Jameson, et celui de bois de rose et de vanille vient de Liam.

Le mot compagnons résonne au fond de mon esprit, et je sais que je l'ai trouvé, ou plutôt que je les ai trouvés. Je suis ravie que mes meilleurs amis d'enfance et petits amis depuis trois ans soient mes compagnons.

Je les aime déjà et je sais que ce ne sera pas seulement grâce au lien de compagnons. Ils sont tout ce que j'ai toujours voulu et ce dont j'ai toujours eu besoin. Mon souhait se réalise et je sens le bonheur gonfler mon cœur.

Ils me tournent toujours le dos, en train de discuter et de regarder la lune se refléter sur l'eau calme du lac. Ils reniflent tous les deux l'air et sourient.

« Compagne », déclarent-ils tous les deux juste avant de se retourner en arborant les plus grands des sourires. Leurs regards croisent le mien.

Dès que leurs yeux plongent dans les miens, le lien de compagnons se met en place et je suis plus heureuse que jamais. Enfin, jusqu'à ce que je remarque leurs visages renfrognés.

Le sourire s'efface de mes lèvres tandis que j'observe leur attitude inquiétante. « Qu'est-ce qui ne va pas ? »

« Non », dit doucement Liam. Jameson ne me regarde plus et semble trouver les lattes de bois du quai plus intéressantes que moi.

Je fronce les sourcils. « Comment ça, non ? » Jameson fait un pas vers moi, m'attrape le bras et m'entraîne hors du quai. Liam traîne les pieds non loin derrière nous. « Jameson, tu me fais peur. »

La décharge électrique qui circule dans mon corps et qui provient de mon bras, là où Jameson me touche, ajoute à ma confusion. Pourquoi il m'entraîne à l'écart ? Pourquoi il est en colère et ne me regarde pas ? Pourquoi Liam le laisse faire ça ?

« Allons jusqu'à la maison de la meute et parlons, Olivia », exige Jameson, tout en continuant à me traîner vers le chemin qui mène à la maison de la meute.

« Jameson, doucement », le supplie Liam, qui nous rattrape en affichant un air sombre. « Elle peut marcher toute seule. »

Jameson ne relâche pas sa prise, et les regards interrogateurs des invités de la fête ne font qu'ajouter à ma détresse. Qu'est-ce que j'ai fait de mal ?

« Qu'est-ce qui se passe ? » supplié-je pour obtenir une réponse, mais aucun des deux ne me la donne.

Nous sommes sur le chemin dans les bois, loin de la fête et de toutes les oreilles qui pourraient nous entendre. J'arrache mon bras à la prise de Jameson et m’enveloppe dans mes propres bras. Ils s'arrêtent tous les deux de marcher et me regardent.

« Allez, rentrons à l'intérieur », essaie Liam pour m'amadouer, mais je ne me laisse pas faire si facilement. Je veux des réponses.

« Pourquoi vous vous comportez comme ça ? Vous êtes tous les deux mes compagnons. Je vous aime. Vous ne m'aimez pas ? » Je pose ces questions en contenant des larmes dangereusement proches de se déverser.

Ils ne répondent pas. Les seuls sons autour de nous sont le bruissement du vent dans l'herbe et les bourdonnements des insectes. Je commence à comprendre. « Vous me rejetez ? »

« Olivia... » Jameson tend la main vers moi, mais je fais un pas hors de sa portée avant qu'il ne puisse me toucher. « Nous n'avons pas le choix. »

« On n'a jamais voulu ça », déclare Liam en se frottant la nuque.

Je commence à trembler, et mes larmes coulent librement sur mon visage. Je ne pleure pas très souvent, et c'est probablement la première fois que je le fais depuis la mort de mon père. « Pourquoi ? »

« Tu es une oméga », dit Jameson, tout en étant toujours incapable de me regarder dans les yeux.

Je savais qu'Alpha Darren ne voudrait pas d'une oméga comme luna, mais je pensais que les jumeaux s'en moquaient. Je pensais qu'ils m'aimaient et qu'ils voyaient le potentiel en moi.

Je suis une guerrière forte, intelligente et douée en matière de tactiques, comme pour organiser des événements, et je suis aussi bien informée sur toutes sortes de sujets. J'ai toujours été considérée comme belle et intelligente, appréciée par la plupart.

« Alors pourquoi passer toutes ces années avec moi si je n'étais pas assez bien ? » Leurs yeux baissés me donnent la réponse que je ne veux pas entendre. Je n'étais qu'un divertissement, un moyen de passer le temps. « Allez-y alors, faites-le », leur dis-je d’un air de défi.

Ils poussent tous les deux un long soupir. « Moi, Liam Alexander Murphy, alpha de la meute du Chêne Blanc, je te rejette, Olivia Beth Wilson, en tant que ma luna. Tu l’acceptes ? »

« Oui. » Je sens le lien de compagnon se briser alors que la douleur me déchire, et je tombe à genoux tout en me serrant la poitrine. Ma respiration est saccadée, mais je me relève avec précaution, attendant le prochain coup. Je resterai forte malgré tout.

« Moi, Jameson Gabriel Murphy, alpha de la meute du Chêne Blanc, je te rejette, Olivia Beth Wilson, en tant que ma luna. Tu l’acceptes ? »

« Oui. » La même douleur parcourt mon corps, et le dernier lien de compagnon se brise. Cette fois-ci, je tombe à quatre pattes et commence à avoir des haut-le-cœur.

Les jumeaux se précipitent vers moi pour essayer de m'aider, mais je les repousse, ignorant la décharge électrique qui traverse le bout de leurs doigts quand ils touchent ma peau. Avec beaucoup d'efforts, je me relève, me retourne et m'enfuis en courant.