Les Knights Ensorcelés

ACE

J'entendais Jung, qui, exaspéré, grognait en faisant les cent pas dans sa chambre pendant que je l’aidais à faire ses devoirs, assis à sa table d'étude.

Je faisais tourner une gomme entre mes doigts en repensant à cette fille nommée Veronica.

Je n'avais aucune idée de son nom complet, ni des matières qu'elle avait choisies, ni de la raison pour laquelle elle avait été transférée ici cette année, mais je m'en moquais un peu.

L'incident entre elle et Elliot continuait à occuper mon esprit jusqu'à ce que la gomme s’échappe de ma main et que je soupire.

« Ce Elliot ! Il ne changera jamais. Je te le dis, Ace, allons nous plaindre de lui au doyen ! » s'est-il exclamé d'une voix rauque qui me fit me tourner vers lui.

« Je pense que tu devrais aller voir le médecin. Ta voix est sacrément enrouée », lui ai-je dit, et il a haussé les épaules en guise de réponse.

« Ça doit juste être un rhume », a-t-il répondu.

J'ai hoché la tête tout en ramassant la gomme, puis je suis retourné à mon travail.

« Mais cette fille. Qui est-elle exactement ? » a-t-il demandé en prenant place à côté de moi et en me regardant.

« Je ne sais pas, mais quoi qu'il se soit passé là-bas, je pense qu'elle s'est attiré des ennuis. On devrait rester loin d'elle si on ne veut pas avoir plus d'ennuis avec Elliot », ai-je dit, et il s'est moqué de moi.

« Nous sommes déjà sur la liste des cibles d'Elliot, Ace. Qu'est-ce qu'il peut nous faire de plus ? Tu sais ce que je pense ? » a-t-il dit.

J'ai regardé dans sa direction. « Quoi ? »

« Qu'on devrait carrément faire équipe contre Elliot et lui donner une bonne leçon », a-t-il déclaré.

J’ai ricané. « Oublie ça ! » ai-je dit en secouant la tête.

C’est vrai que la moitié des étudiants de l’école étaient intimidés par Elliot, mais aucun n'avait jamais eu l'audace ou le courage de lui tenir tête.

La dernière fois, un certain Jeffrey lui avait tenu tête et s'était plaint au doyen, mais il avait fini par être transféré dans une autre école à cause du père d'Elliot.

Alors après ça, tous ceux qui voulaient rester dans la prestigieuse école se sont concentrés davantage sur leurs études plutôt que sur le cas de cette brute d'Elliot.

De plus, Elliot était un bon élève. Il avait un cerveau, mais le seul problème, c'est qu'il ne savait pas toujours quand l'utiliser.

Dans notre école, chaque élève était soit méritant soit érudit et on venait du monde entier pour se mesurer les uns aux autres.

Seuls ceux qui avaient suffisamment de connaissances et qui réussissaient l'examen d'entrée pouvaient obtenir une place dans l'école. C'était le cas d'Elliot.

Les relations de son père n'avaient eu aucune incidence sur son entrée à l'école. Comme tout le monde, il avait passé l'examen d'entrée et avait été sélectionné. Mais son problème, c'est qu'il était un vrai connard.

Vu l'arrivée soudaine de Veronica, j'étais sûr qu'elle avait elle aussi passé l'examen d'entrée. Je ne voyais pas d’autre solution.

Même les étudiants transférés passaient par le processus d'entrée pour être admis.

« Écoute, Ace ! Tout le monde ne pense pas comme toi. Je sais que tu n'aimes pas la violence, mais c’est aussi de ta faute si tu subis cette brute sans arrêt : tu ne fais rien pour l’arrêter. Je suis d'accord avec Veronica.

« Je pense que ce qu'elle a fait est bien ! Elle lui a imposé le respect dès le début et je pense qu'elle va tenir bon jusqu'à la fin. Nous devons absolument la soutenir. »

Jung a marché vers son lit en soufflant avant de s’asseoir sur le bord du matelas.

Je l'ai regardé et j'ai réfléchi à ce qu'il venait de dire.

« Il ne reste quand même plus qu'un an, ensuite tout sera fini et oublié », ai-je dit. Jung souffla, agacé.

« C'est toujours très difficile de te convaincre », a-t-il dit en se levant avant de sortir de la pièce et de claquer la porte avec rage.

Rien de surprenant pour moi. Il avait des petits problèmes de colère, mais c'était le genre de personne qui pouvait redescendre rapidement et retrouver son calme en un claquement de doigts.

On était dimanche, l'horloge indiquait sept heures du soir alors que je venais de terminer le travail de Jung et que je me levais pour quitter sa chambre.

Nous vivions sur le campus de l'école. L'école avait un dortoir pour les garçons et un dortoir pour les filles.

Le dortoir des garçons avait cinq ailes, et la chambre de Jung se trouvait dans la deuxième aile, au deuxième étage, tandis que la mienne se trouvait au troisième étage de la cinquième aile.

Le dortoir des garçons se trouvait sur le côté droit de l'école, tandis que le dortoir des filles, qui comportait six ailes, était situé dans une autre zone, à l'arrière de l'école.

Il fallait traverser la route principale pour atteindre l'école, et mon aile se trouvait près de cette route. Je m’installais parfois sur mon balcon, soit pour étudier, soit pour voir ce qui se passait en bas.

Nous avions différents types de chambres dans lesquelles deux à trois étudiants pouvaient vivre, mais j’avais choisi la chambre individuelle qui n'était disponible que dans la cinquième aile.

Ce soir-là je rentrais à pied dans mon aile.

Il était sept heures du soir. Les oiseaux retrouvaient le chemin de leurs nids croisant quelques chauves-souris qui s’affairaient.

Alors que j'étais presque arrivé au niveau de mon aile, j'ai vu une ombre près du lampadaire, et je me suis arrêté pour voir de qui il s’agissait.

Veronica.

Elle était assise sous un lampadaire, sur le trottoir au bord de la route. Elle semblait absorbée par l’écran de son smartphone.

Juste derrière elle se trouvait la première aile où vivait Elliot, qui, comme moi, avait une chambre avec balcon pour lui tout seul.

S'il la voyait en bas, j'étais sûr qu'il descendrait pour se venger de ce qu’elle lui avait fait plus tôt de l'après-midi.

J'ai serré mon sac dans mes bras et j'ai levé les yeux vers la chambre d'Elliot. J'étais sûr qu'il était à l'intérieur en train d'étudier ou de danser, et j'ai regardé Veronica. Pourquoi est-elle assise là ? Seule ?

Je voulais lui dire qu'elle ferait mieux de retourner à son dortoir avant que son surveillant ou les agents de sécurité ne viennent la chercher, car la route était truffée de caméras de vidéosurveillance.

Mais j’ai finalement pensé que ce n'était pas mes affaires. Elliot ne lui ferait jamais rien car lui aussi savait que l'endroit était constamment surveillé.

J'ai regardé à droite et j’ai vu des agents de sécurité assis devant la porte d'entrée de la première aile. Ils regardaient dans sa direction. Ils étaient donc déjà au courant de sa présence.

J’ai ajusté mes lunettes sur mon nez et j'ai décidé de ne pas la déranger.

Je suis passé devant elle et elle a levé les yeux, quittant du regard son écran de téléphone. Nous nous sommes regardés dans les yeux pendant une seconde ou deux.

Elle a semblé ne pas me reconnaître et elle est rapidement retournée à son téléphone, sans aucun autre signe.

J'ai regardé droit devant moi et je suis retourné vers mon aile, prêt à faire mon devoir que je n'avais même pas commencé.

Je savais qu'il me faudrait une nuit entière pour terminer le travail, mais durant tout le trajet jusqu'à ma chambre, sans vraiment savoir pourquoi, je n’ai fait que penser à Veronica assise là, seule dans la nuit.

Je me suis retrouvé à aller sur mon balcon deux ou trois fois pour vérifier si elle allait bien, et je l'ai trouvée assise au même endroit, toujours occupée sur son téléphone. La quatrième fois que je suis retourné sur le balcon, elle avait disparu.

Il était huit heures du soir et elle ne se trouvait plus autour du dortoir des garçons.

Tant mieux pour elle, ai-je pensé avant de me concentrer sur mon travail.