Mon Foyer Inconnu

Je déteste les enterrements. Surtout en été. Surtout dans le Sud.

Alors que je regardais les gens marcher vers la tombe pour un dernier au revoir, je me demandais quelle personne allait s'évanouir sous la chaleur en premier.

Pensée sombre, je sais. C'est ma façon de m’éloigner de mes émotions et de les contrôler

Et comme c'était ma mère qui reposait dans ce cercueil, j'avais beaucoup d'émotions à gérer.

Elle était morte de façon inattendue. Un conducteur distrait, m’avait dit l'officier de police quand elle avait frappé à ma porte pour m'annoncer la nouvelle.

Un représentant commercial envoyait des SMS au volant, avait franchi la ligne et avait percuté la voiture de ma mère de plein fouet, à 100 km/h, en plein après-midi à Nashville, où nous vivions toutes les deux.

J'étais donc là, à un enterrement auquel je n'ai jamais voulu assister, à regarder des gens que je ne connaissais que par ma mère, à parier mentalement sur la personne qui tomberait la première.

Non pas que ce jeu n'ait pas de raison d’être.

Il y a deux étés, j'ai assisté aux funérailles d'un vieil homme qui vivait dans mon immeuble. Les porteurs de cercueils semblaient aussi vieux que l'homme qu'ils pleuraient, et étaient eux-mêmes sur le point d'atteindre les portes du paradis.

La journée était particulièrement chaude et, alors que les hommes s'étaient arrêtés sur la tombe pour poser le cercueil sur la structure métallique avant la mise en terre, l'un d'eux s'était évanoui. Malheureusement, il était un peu trop près du trou et lorsqu'il s'est évanoui, il est tombé sur le bord de la tombe.

Le changement de poids a déséquilibré les autres porteurs et l'un d'eux a perdu sa prise, faisant basculer le cercueil vers le bas et le côté, le logeant en diagonale dans le trou.

C'était le premier enterrement auquel j'assistais qui nécessitait une ambulance, un camion de pompiers et deux grues.

Jusqu'à présent, rien de dramatique ne s'était produit aujourd'hui, même si j'avais été surprise par le nombre de personnes présentes à l'enterrement. J'aurais sans doute dû m'y attendre.

C'était le Sud après tout, où les enterrements sont des événements sociaux aussi importants que les mariages. J'avais reconnu certains visages endeuillés, des hommes et des femmes que ma mère avait connus au fil des ans.

Elle avait travaillé comme infirmière dans l'une des cliniques médicales de Nashville, et elle s’occupait toujours des gens avec beaucoup de compassion.

Elle avait travaillé dans la même clinique pendant plus de la moitié de sa carrière, si bien qu'elle était devenue une présence familière et apaisante pour beaucoup des patients.

Après que les dernières personnes se soient approchées de l'auvent, les porteurs sortirent le cercueil du corbillard et je suivis mécaniquement, puis je m’assis sur la chaise d'honneur en tant que représentante de la famille.

Ma meilleure amie Kim s'assit à côté de moi puisque je n'avais pas d'autres frères et sœurs. Quelques personnes plus âgées prirent les chaises restantes.

Je ne regardai rien en particulier pendant que le pasteur lisait le Psaume 23, qui était l'une des rares Écritures dont je me souvenais de mon enfance.

Le pasteur fit quelques commentaires de plus, quelque chose sur les cendres et la poussière, puis une dernière prière et le service se termina officiellement. Le pasteur, que ma mère avait connu en travaillant à l'hôpital, me serra la main et me dit à quel point ma mère allait lui manquer.

Une fois qu'il partit, je fus assaillie d'embrassades de dames portant trop de parfum et de poignées de main d'hommes marmonnant "Toutes mes condoléances" parce qu'ils ne savaient pas quoi dire d'autre.

Par groupes de deux ou trois, les visages endeuillés regagnèrent leurs voitures.

Je restai au bord de la tombe, ne sachant pas trop quoi faire, jusqu'à ce que le directeur du funérarium me demande si j'étais prête à retourner au funérarium.

Je hochai la tête distraitement et il plaça sa main sous mon coude pour me stabiliser alors que Kim et moi redescendions la colline pour retourner à la voiture. Une fois sur le trottoir, il nous ouvrit la porte arrière.

En me tournant pour entrer, je regardai vers la tombe et vis un homme émerger de derrière un petit bosquet non loin.

Je ne le reconnaissais pas, mais il ressemblait aux innombrables autres personnes que j'avais vues à l'enterrement - vêtu d'un costume sombre avec une cravate sombre et des chaussures sombres. Il s'approcha de la tombe, en tenant une unique marguerite jaune dans sa main droite.

Quand il atteint le cercueil, il se pencha et l'embrassa en posant la marguerite. Puis il se redressa, se retourna, retourna vers les arbres et disparut.