L'Ombre du Dragon

SILVER

Les rues sont bondées de nombreux humains vendant des soies exotiques. Des groupes de jeunes qui se chamaillent courent partout pour voir les produits frais et les articles originaux d'un marché étranger.

Je me tiens dans l'ombre à un coin de rue, nerveuse à l'idée de voir les humains qui passent et qui puent la sueur, la merde et la pisse.

Pour une ville tenue en haute estime, Graceful Springs est plutôt puante, surtout pour les sens d'un Dragon.

« Petite mademoiselle aux yeux violets. » Un vieil homme avec un sourire de travers et des dents manquantes s'incline vers moi en se baissant. Le long de ses épaules se trouve un morceau de bois portant plusieurs foulards en soie.

« Est-ce que l'un de mes foulards satisfait votre toucher ? Venez, venez. Touchez-les. »

Je ferme les yeux sur son petit corps osseux, et mon esprit de dragon ne peut s'empêcher de se demander s'il serait croustillant pour un goûter.

Ma mère, Elaine, aime grignoter de temps en temps un vieil humain ennuyeux. Cependant, les foulards en soie ont l'air magnifiques, alors je décide d'accepter son offre d'en toucher un.

Je souris au vieil homme et m'avance, la main tendue. Il se penche en avant et fait glisser le bâton vers moi. Les écharpes sont suspendues à des crochets en laiton pour que je n'aie pas à m'approcher.

« Combien ? » Je demande curieusement, mes doigts se plaisant dans le rouge.

« Je n'aurais besoin que d'une demi-heure, ma belle aux yeux violets. » Il fait un clin d'œil et se redresse. « Peut-être la ruelle après le virage ? »

Je m’inquiète intérieurement et je secoue la tête vers lui, les lèvres pincées. Il me fixe d'un air confus tandis que je m'éloigne rapidement dans la foule, en contournant un coin du marché.

Je me glisse derrière un arbre, respirant lourdement de peur. Bien sûr, comment ai-je pu être aussi stupide ?

Je ne porte qu'un manteau. Je suis nue en dessous.

Je me sens encore étourdie par la flèche empoisonnée qui m'a transpercé ce matin, et je n'ai vraiment pas les idées claires.

Ma mère m'a mis en garde contre les vils humains. Malgré son avertissement, j'aime croire que je peux être gentille et recevoir de la gentillesse en retour. Pourtant, je dois toujours être prudente.

Je suis venue dans cette ville à la recherche de la princesse disparue de ma Horde. Je l'ai trouvée, mais pas avant d'avoir été abattue par une armée de soldats détestant les Dragons et suivant les règles de Xander.

Un Dragon rebelle m'a sauvé ce matin, Elena. Elle me déteste, et je ne l'aime pas particulièrement.

Mais je suppose qu'elle déteste les humains plus qu'assez pour vouloir me sauver de leur massacre ou de leur emprisonnement.

Maintenant, parce que je suppose que je suis relativement en sécurité, je suis partie explorer. Le matin est encore frais et les gens se promènent sur les marchés.

Summer, la princesse humaine en fuite, est en sécurité avec Elena, et je veux explorer les environs de l'auberge commune, où nous avons choisi de nous réfugier. Au moins pour un petit moment.

Mes Seigneurs Dragons voudront bientôt que je rentre chez moi, avec leur princesse en fuite. Dane et Aneurin sont de la race de Jumeaux Meneurs, très protecteurs de leur petite Horde de Dragons du Crépuscule.

Ma mère, surtout, voudra que je revienne à ses côtés.

Mais... j'ai toujours voulu explorer par moi-même, et c'est maintenant l'occasion !

Après l'avoir espionné depuis ma fenêtre, j'ai quitté l'auberge pour trouver le légendaire Dragon aux cheveux cendrés en train de rôder dans les environs. J'ai quitté la sécurité de l'auberge sans trop penser à mes vêtements.

Avec un seul manteau et mes chevilles exposées... j'ai l'air d'une pute.

J'ai peur pour ma sécurité maintenant que j'ai réalisé cela. Cependant, j'ai une solution.

Je n'ai pas d'argent, alors je me retrouve à errer à l'arrière des étals du marché jusqu'à ce que je trouve un étal particulier rempli de stocks de robes.

Je me faufile à l'arrière de l'étal et m'accroche rapidement à la première robe que je trouve.

Je la roule rapidement et la fourre dans mon manteau avant de courir par l'arrière vers des toilettes publiques.

Je vois une petite structure en pierre où des hommes et des femmes font la queue pour se soulager à leur tour. J'attends dans la file avec anxiété.

De ma position, je peux voir tout le marché près du centre de la petite ville de Graceful Springs dans la campagne de Requiem.

Le ciel orange illumine magnifiquement la petite ville, baignant les habitants qui se réveillent tôt dans la lumière du matin. Tant de mortels sont désireux d'explorer les marchés installés dans cette ruelle populaire.

J'avoue que j'ai erré un peu trop loin de l'auberge commune où se trouvent mes amies. Ha-si je peux considérer Elena comme une amie. Elle fait partie des raisons pour lesquelles je suis partie explorer, pour être parfaitement honnête.

Quand Summer est partie brièvement pour prendre l'air, Elena m'a cruellement crié dessus pour m’accuser d’êtrejeune et stupide après avoir deviné que j'avais donné à mes Seigneurs Dragons la localisation de Summer.

Je suis contente de m’éloigner de la capricieuse Dragon en fuite, et maintenant, une femme à la fois, j'ai finalement mon tour dans les toilettes.

Je me glisse dans une cabine séparée et enlève mon manteau pour mettre ma robe.

Elle est blanche avec des motifs floraux violets. Le violet s'accorde avec le violet de mes yeux, et le blanc avec l'argent de mes cheveux. Je l'enfile et laisse mon manteau.

Quand je retourne dans la rue, je me sens plus respectable. Je repousse mes cheveux argentés derrière mes épaules et continue à observer la foule.

Cette fois, je déambule lentement ; je suis toujours à la recherche de la légende aux yeux dorés et perçants, Storm.

Je n'ai pas l'intention de lui parler, mais je veux juste l'observer de plus près. Rien de stupide, rien de dangereux. Je veux juste jeter un autre coup d’œil à son Feu Brisé. J'aimerais en parler à mère.

Il m'intrigue et je suis attirée par sa luminescence. J'ai simplement « besoin » de le regarder de plus près, chaque fibre de mon être de jeune fille me pousse à vouloir le voir.

J'expire lentement, déçue, alors que j'erre un peu plus longtemps, et je réalise presque immédiatement à quel point je suis stupide de traîner autour des soies et des robes.

Il est évident qu'il doit être quelque part près des armes... s'il est vraiment dans la zone du marché.

Les armes n'intrigueraient-elles pas un Dragon mythique comme lui ?

Je souris en me dirigeant vers les étals qui vendent des selles en cuir, des épées fraîchement forgées, des boucliers personnalisés et des bottes de soldat en cuir neuf.

La plupart des jeunes hommes de la ville se pressent autour d'ici, inspectant le nouveau commerce avec des chuchotements excités.

J'essaie de calmer mes propres pas joyeux. Je ne peux pas être trop sotte à ce sujet. Même si je traque un monstre mythique... Peut-être que j'en fais trop. Et s'il sait que je le cherche ?

J'admets que je ne suis allée dans une ville humaine que quatre fois dans toute ma vie. Je n'ai que 17 ans.

Mon anniversaire est la semaine prochaine, et bien qu'Elaine m'ait promis de m'emmener plus souvent parmi les mortels lorsque je serai majeure, je ne sais toujours pas comment les choses fonctionnent.

Deux fois, je me suis éclipsée de chez ma mère pour explorer des villes humaines, et dans les deux cas, quand elle m'a ramené, elle m'a menacé de me tenir en laisse pour que je reste à ses côtés.

Un jeune et beau Dragon Silver est en danger à cause des terribles mortels et de leurs désirs avides. Nos écailles valent de l'or. Bien plus que n'importe quel autre type d'écailles de Dragon vendues sur le marché noir.

Personnellement, je préfère croire que ma mère a inventé ces histoires pour me tenir éloignée des humains. En fait, j'aime bien les humains. En plus d'être savoureux, ils sont aussi très beaux.

Après avoir rencontré Summer, j'ai décidé qu'elle deviendrait mon amie... et, bon... je n'ai plus vraiment envie de manger des humains après l'avoir rencontrée.

Ils sont bien trop amusants et très divertissants.

Je suis sur le point de me diriger vers un étalage vendant des figurines ornementales faites de vieil acier recyclé, et ma chance se présente à ce moment.

Je me fige lorsqu'une silhouette familière et imposante apparaît soudainement sur le côté de cette même boutique.

« Votre aide est appréciée, vieil homme. » Je ferme mes lèvres ouvertes en entendant le ton du dragon vibrer dans la gorge de Storm. Je fais un pas de côté pour me cacher derrière une étagère de peaux en cuir battu.

A quelques mètres de moi se trouve le monstre que je cherchais. Il fait un pas de plus dans la foule.

Sa voix... wow... elle semble à peine humaine. En fait, il semble tout à fait Dragon lorsqu'il prononce des mots humains.

« Mon plaisir, ah, mon Seigneur... » Le vieil homme lève la main pour faire quelques remarques, mais Storm s'est déjà mis hors de portée de voix en quelques enjambées.

Il tient une serviette à polir, qu'il utilise sur son épée. Je me recule dans la rue pavée pour voir Storm replacer le chiffon ensanglanté dans une poche de son manteau gris et usé.

Je fais quelques pas de plus pour suivre Storm, et mes yeux s'illuminent et se concentrent lorsqu'il remet son manteau sur ses épaules, et qu'une pièce de monnaie en sort et tombe de sa poche, roulant sur le sol pavé.

Oh !

Cependant, au moment où je m'apprête à m'approcher et à courir pour récupérer la pièce, je suis complètement bousculée par une foule de soldats qui passent.

« Hors du chemin, mademoiselle ! » L'un d'eux m'aide à me tenir sur le côté en me mettant la main sur l'épaule. « Merci, mademoiselle ! »

Je me tiens maintenant sur le côté, soufflant de frustration alors que les soldats passent en patrouille régulière dans la ville.

Une fois qu'ils sont hors du chemin, je me précipite vers la pièce d'argent sur le sol. Je la trouve après avoir balayé la terre et les pierres d'un regard rapide. Je ramasse la petite pièce de la taille d'un ongle.

Elle est minuscule et porte la lettre T au dos.

« T... », je murmure ; ce n'est pas la monnaie de Requiem. « Tempête ? » Je devine, pensant que je dois avoir raison. Je lève les yeux et vois l’endroit où, tout au bout de la rue, la forêt rencontre la limite de la ville.

Mes yeux s'illuminent lorsque je vois un manteau gris disparaître à la lisière des arbres touffus.

« Oh... » Je réfléchis un instant, en plissant les yeux sur la pièce. Je ne peux pas la voler comme ça ! « Attendez ! » Je l'appelle, extrêmement inquiète qu'il parte sans son argent.

Je commence à courir, me dirigeant vers les arbres.

« S'il vous plaît ! Attendez ! » Je crie à nouveau alors que j'atteins enfin la limite des arbres. Je ne sais pas s'il va s'arrêter. Saura-t-il au moins que mes appels sont pour lui ?

Je n'ai aucune crainte, je m'enfonce dans la forêt, sautant de tronc en tronc, essayant de repérer sa forme dans les broussailles. « Monsieur ! » Je crie. « Vous avez laissé tomber votre argent ! »

Je m'assure de parler assez fort et clairement, je ne veux pas qu'il pense que j'essaie de le surprendre. Où qu'il soit.

Je me mords la lèvre et incline la tête en laissant vagabonder mes sens de dragon. Les dragons argentés peuvent ressentir des émotions et une empathie extrême.

Pour l'instant, je ne peux rien ressentir. Aucune émotion.

Mais je sens une présence.

Tout près.

Je continue dans la forêt, pièce de monnaie en main.